7.2 Dimension d'un sous-espace vectoriel

THEOREM 7.8   Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie et F un sous-espace vectoriel de E, on suppose que E est de dimension finie, alors :

  1. F est un K-espace vectoriel de dimension finie

  2. $\dim _{K}(F)\leq \dim _{K}(E)$

  3. si $\dim _{K}(F)=\dim _{K}(E)$, alors $F=E$.

Démonstration : soit L une partie libre de F, c'est donc a fortiori une partie libre de E. D'après, par exemple, le théorème de la base incomplète, le cardinal de L est inférieur ou égal à $\dim _{K}(E)$. Il suffit donc de prendre dans F une partie libre ayant le nombre maximum d'éléments pour avoir une partie basique de F. Ainsi F admet une base finie ayant un cardinal inférieur ou égal à $\dim _{K}(E)$. Si $\dim _{K}(F)=\dim _{K}(E)$, alors une base quelconque de F est une partie libre de E ayant le bon nombre d'éléments (théorème ??), c'est donc aussi une base de E, i.e. $F=E\boxdot $

La partie 3. du théorème précédent est fondamentale dans les exercices. Elle permet en effet de démontrer que deux K-espaces vectoriels de dimension finie sont égaux si et seulement si l'un des deux est inclus dans l'autre et s'ils ont la même dimension (alors qu'autrement il faudrait montrer deux inclusions).

Exemples :

  1. Soit D une droite vectorielle, les seuls sous-espaces vectoriels de D sont {0} et D.

  2. Soit P un plan vectoriel, les seuls sous-espaces vectoriels de P sont {0}, les droites vectorielles contenues dans P et P lui-même.

7.2.1 Somme et dimension

Le but de ce paragraphe est d'établir une formule attribuée à Grassmann donnant la dimension de la somme de deux sous-espaces vectoriels d'un K-espace vectoriel E de dimension finie, et d'en déduire ses principales conséquences.

PROPOSITION 7.4   Soient $E_{1}$ et $E_{2}$ deux K-espaces vectoriels de dimension finie, alors $E_{1}\times E_{2}$ est de dimension finie et on a $\dim
_{K}(E_{1}\times E_{2})=\dim _{K}(E_{1})+\dim _{K}(E_{2})$.

Démonstration : en effet, on pose $m=\dim _{K}(E_{1})$, $n=\dim
_{K}(E_{2})$ et on choisit $(a_{1},...,a_{m})$ une base de $E_{1}$, $
(b_{1},...,b_{n})$ une base de $E_{2}$. On laisse au lecteur consciencieux le soin de vérifier que le $(m+n)$-uplet $
((a_{1},0),...,(a_{m},0),(0,b_{1}),...,(0,b_{n}))$ est une base de $E_{1}\times E_{2}$. On peut aussi vérifier que $K^{m}\times K^{n}$ est isomorphe à $K^{m+n}\boxdot $

THEOREM 7.9 (dimension d'une somme directe)  

Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie, $E_{1}$ et $E_{2}$ deux sous-espaces vectoriels de E dont la somme est directe, on a alors la relation :

\begin{displaymath}
\dim _{K}(E_{1}\oplus E_{2})=\dim _{K}(E_{1})+\dim _{K}(E_{2}).
\end{displaymath}

De plus, si $B_{1}$ est une partie basique de $E_{1}$ et $B_{2}$ une partie basique de $E_{2}$, $B_{1}\cup B_{2}$ est une partie basique de $
E_{1}\oplus E_{2}$.

Démonstration : il suffit bien entendu de montrer la seconde asertion. On peut remarquer que $E_{1}\times E_{2}$ et $
E_{1}\oplus E_{2}$ sont isomorphes et appliquer la proposition précédente$\boxdot $

Exercices :

  1. Rédiger les démonstrations de la proposition ?? et du théorème ??. Montrer aussi que dans ce dernier l'hypothèse ''E est de dimension finie'' peut être remplacée par ''$E_{1}$ et $E_{2}$ sont deux sous-espaces vectoriels de dimension finie''.

  2. Généraliser la proposition ?? et le théorème ?? au cas d'un nombre fini quelconque d'espaces vectoriels. On obtiendra ainsi les formules :

    \begin{eqnarray*}
\dim _{K}(E_{1}\times ...\times E_{n}) &=&\dim _{K}(E_{1})+......
...oplus ...\oplus E_{n}) &=&\dim _{K}(E_{1})+...+\dim _{K}(E_{n}).
\end{eqnarray*}



THEOREM 7.10 (existence d'un supplémentaire)  

Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie et F un sous-espace vectoriel de E, alors F admet au moins un supplémentaire dans E. De plus, tous les supplémentaires de F dans E ont la même dimension (appelée parfois codimension de F dans ).

Démonstration : soit B une partie basique de F (qui est de dimension finie), d'après le théorème de la base incomplète, on peut trouver une partie C de E disjointe de B telle que $B\cup C$ soit une partie basique de E. Il est alors quasi évident que le sous-espace vectoriel G engendré par C est un supplémentaire de F. En effet, on pose $B=\{b_{1},...,b_{m}\}$ et $C=\{c_{1},...,c_{p}\}$. Soit x quelconque de E, il se décompose de façon unique sur la partie basique $B\cup C$ , i.e. $x=\beta _{1}b_{1}+...+\beta _{m}b_{m}+\gamma _{1}c_{1}+...+\gamma
_{p}c_{p}$. Or $u=\beta _{1}b_{1}+...+\beta _{m}b_{m}\in \left\langle
B\right\rangle =F$ et $v=\gamma _{1}c_{1}+...+\gamma _{p}c_{p}\in
\left\langle C\right\rangle =G$, donc $x=u+v$ avec $u\in F$ et $v\in G$, ce qui démontre que $E=F+G$. Par ailleurs, l'unicité de la décomposition de x sur $B\cup C$ entraîne l'unicité de l'écriture $x=u+v$, avec $u\in F$, $v\in G$, la somme est donc directe. Enfin, soit G un supplémentaire quelconque de F dans E, on a $E=F\oplus G$, et d'après le théorème ??, $\dim _{K}(G)=\dim _{K}(E)-\dim
_{K}(F)$, la dimension de G est donc indépendante du supplémentaire choisi$\boxdot $

On remarque que l'on a donné, sans démonstration, un résultat plus général : tout sous-espace vectoriel admet au moins un supplémentaire (sans condition de dimension). La démonstration du théorème éclaire un peu le phénomène. Le lecteur pourra prouver que dans un espace vectoriel de dimension 3, un plan vectoriel P admet pour supplémentaire toute droite vectorielle non contenue dans P.

THEOREM 7.11 (formule de Grassmann)  

Soient E un K-espace vectoriel de dimension finie, $E_{1}$ et $E_{2}$ deux sous-espaces vectoriels de E, on a la relation :

\begin{displaymath}
\dim _{K}(E_{1}+E_{2})=\dim _{K}(E_{1})+\dim _{K}(E_{2})-\dim _{K}(E_{1}\cap E_{2}).
\end{displaymath}

Démonstration : il existe de nombreuses preuves de ce résultat. On esquisse ici une démonstration directe (ce n'est pas la plus jolie) et on renvoie le lecteur à la section suivante pour une preuve élégante). L'astuce consiste à se ramener à une somme directe. L'inclusion $E_{1}\cap E_{2}\subset E_{1}$ permet de choisir un supplémentaire F de $E_{1}\cap E_{2}$ dans $E_{1}$. Ainsi $
E_{1}=(E_{1}\cap E_{2})\oplus F$. On en déduit que $E_{1}+E_{2}=F\oplus
E_{2}$. En effet, $F\cap E_{2}=(F\cap E_{1})\cap E_{2}=F\cap (E_{1}\cap
E_{2})=\{0\}$ et il est clair que $E_{1}+E_{2}=F+E_{2}$ ( $F+E_{2}\subset
E_{1}+E_{2}$ est évidente, l'autre inclusion se vérifie facilement). Ainsi, en appliquant le théorème ??, on trouve :

\begin{eqnarray*}
\dim _{K}(E_{1}) &=&\dim _{K}(E_{1}\cap E_{2})+\dim _{K}(F)\te...
...et} \\
\dim _{K}(E_{1}+E_{2}) &=&\dim _{K}(F)+\dim _{K}(E_{2}),
\end{eqnarray*}



d'où le résultat en éliminant $\dim _{K}(F)\boxdot $

THEOREM 7.12   Soient $E_{1}$ et $E_{2}$ deux sous-espaces vectoriels d'un K-espace vectoriel E de dimension finie E, on considère les trois propriétés suivantes :

  1. $E_{1}+E_{2}=E$

  2. $E_{1}\cap E_{2}=\{0\}$

  3. $\dim _{K}(E_{1})+\dim _{K}(E_{2})=\dim _{K}(E)$.

Alors deux quelconques de ces propriétés entraînent la troisième, et $E=E_{1}\oplus
E_{2}$. Réciproquement, si $E=E_{1}\oplus
E_{2}$ les trois propriétés sont vérifiées.

Démonstration : si 1. et 2. sont réalisées, alors on sait que $E=E_{1}\oplus
E_{2}$ et la propriété 3. n'est autre que le théorème ??

Si 1. et 3. sont réalisées, la formule de Grassmann entraîne que $\dim _{K}(E_{1}\cap E_{2})=0$, donc $E_{1}\cap E_{2}=\{0\}$ .

Si 2. et 3. sont réalisées, la formule de Grassmann devient $
\dim _{K}(E_{1}+E_{2})=\dim _{K}(E)$. Or $E_{1}+E_{2}\subset E$, le théorème ?? montre alors que $E=E_{1}+E_{2}$. Enfin, la réciproque est triviale$\boxdot $

Exercices :

  1. Montrer que, dans la formule de Grassmann, l'hypothèse ''E est de dimension finie'' peut être remplacée par l'hypothèse plus faible ''$E_{1}$ et $E_{2}$ sont deux sous-espaces vectoriels de dimension finie''.

  2. Dans R$^{4}$ on considère le sous-espace vectoriel $E_{1}$ engendré par $\{x,y,z\}$ avec $x=(1,2,3,4)$, $y=(2,2,2,6)$, $
z=(0,2,4,4)$, et le sous-espace vectoriel $E_{2}$ engendré par $\{u,v\}$ avec $u=(1,0,-1,2)$ et $v=(2,3,0,1)$. Vérifier sur cet exemple la formule de Grassmann.